jeudi 28 novembre 2013

Hyakunin isshu : poème n°3, あしびきの



Aujourd'hui, 3e poème du Hyakunin isshu. Il s'agit d'un poème d'amour, le premier des 43 que contient le recueil, le thème étant apparemment fort prisé par Teika. L'auteur de ces vers est Kakinomoto no Hitomaro (柿本人麻呂), un des principaux poètes du Man'yôshû et de son époque, dont on sait néanmoins fort peu de choses, si ce n'est qu'il semble avoir été le poète officiel des empereurs Jitô et Monmu.

あしびきの
山鳥の尾の
しだり尾の
ながながし夜を
ひとりかも寝む

(あしびきの やまどりのおの しだりおの ながながしよを ひとりかもねん)


あしびきの : あしびき est un makura-kotoba (mot-oreiller) de 山. Comme un grand nombre de makura-kotoba, sa signification n'est pas claire 。 あし a parfois été interprété comme "pied" (de la montagne"), mais les paraphrases en japonais moderne se contentent d'éluder ce vers ou de le laisser tel quel, sans explication ; の marque le complément de nom ;
山鳥の尾の : 山鳥 désigne un type de faisan. Cet animal a deux caractéristiques, toutes deux utilisées dans le poème : d'une part, le mâle a une très longue queue ; d'autre part, la tradition poétique veut que le mâle et la femelle passent la journée ensemble, mais qu'ils se séparent pour passer la nuit chacun de leur côté. L'oiseau incarne donc la tristesse de nuits solitaires. 尾 désigne la queue de l'animal ; の a toujours la même fonction ;
しだり尾の : しだり est la renyou-kei de しだる et désigne une forme tombante, pleureuse (ex : le saule pleureur,  しだれやなぎ) ; しだり尾, c'est donc une longue queue qui tombe ou pend comme une traîne. Le の a cette fois une valeur comparative, proche de のように. Ces trois premiers vers servent en fait d'introduction (序詞, joshi) au mot-pivot (kake-kotoba) ながながし. Ce sont les deux derniers vers qui donnent le sens réel du poème ;
ながながし夜 : ながながし (shushi-kei) est l'équivalent de 長い長い (répétition de "long") et détermine 夜, nuit : "longue, très longue nuit" ; néanmoins, il évoque aussi la longue queue du faisan, et c'est en cela qu'il constitue un mot-pivot permettant d'articuler les deux parties du poème ;
ひとりかも寝む : ひとり, seul ; 寝 (ね) est la mizen-kei de 寝 (ぬ), dormir ; か et む sont grammaticalement liés ; か interroge et む (rentai-kei), qui se prononce ん  marque ici la conjecture, l'éventualité ; も est emphatique "Vais-je dormir seul ?" 


Je vous propose la traduction suivante :

Interminable comme 
la queue tombante du faisan
des vastes montagnes
cette longue, longue nuit, 
est-ce seul que je dormirai ?

Pour finir, une illustration sonore, avec une première lecture normale (pas optimale, selon moi) et une seconde assez amusante en amakusa-ben (dialecte de Amakusa, un archipel de la préfecture de Kumamoto).



Index en romaji : ashibiki no yamadori no o no shidari o no naganagashi yo wo hitori ka mo nemu

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