mercredi 29 novembre 2017

Hyakunin isshu, poème n° 87 : 村雨の



Voici un poème automnal de Jakuren (寂蓮法師), moine poète, comme Saigyô, l'auteur du poème précédent. Jakuren était le neveu de Shunzei, et contribua avec Teika à la compilation du Shin Kokinshû, où figure d'ailleurs ce waka (n° 491). Même si l'automne est associé à la solitude dans la poésie classique, j'y vois plutôt une contemplation apaisée :


村雨の
露もまだひぬ
真木の葉に
霧立ちのぼる
秋の夕暮れ

むらさめの つゆもまだひぬ まきのはに きりたちのぼる あきのゆうぐれ

村雨の : 村雨, averse, の marque le complément de nom ;
露もまだひぬ : 露, rosée, ici les gouttes d'eau qui restent après l'averse ; も est emphatique, ひ est la mizen-kei de 干る (ひる), sécher, et ぬ est la rentai-kei de la négation ず. まだ a le même sens qu'en japonais moderne : associé à ぬ, il signifie donc "pas encore" ;
真木の葉に : 真木 désigne un conifère, notamment le cèdre du japon (cryptomeria japonica), proche parent du cyprès chauve, mais aussi différentes sortes de pins ; の marque le complément de nom ; 葉, la feuille, に, sur ;
霧立ちのぼる : 霧, brume, brouillard ; 立ちのぼる, s'élever (rentai-kei). A partir de l'époque Heian, 霧 évoque plutôt la brume d'automne et son quasi-synonyme 霞 la brume de printemps.
秋の夕暮れ : 秋, l'automne, 夕暮れ, le crépuscule. Un vers que l'on retrouve dans le poème 70 et dans de nombreux autres waka.


Pas de problème de compréhension majeur mais une difficulté tout de même sur la traduction de 真木. Le Pr. Mostow l'a commodément traduit par "evergreens" mais le mot français équivalent, "sempervirent", est peu courant et plutôt encombrant. Cela contraint à choisir un arbre. Dans De cent poètes un poème (1993), R. Sieffert a traduit 真木 par "fusain" : le fusain du Japon a certes un feuillage persistant, mais ne s'apparente guère à un conifère. Or les explications japonaises et les illustrations traditionnelles du poème orientent clairement vers cette catégorie d'arbres. J'ai pour ma part jeté mon dévolu sur le cèdre (杉、スギ), puisque c'est le premier sens donné pour 真木 par le Kojien. Une autre version donnée par R. Sieffert dans les notes du Haïkaï selon Bashô (1983) m'a confirmé dans ce choix, même si je me demande bien ce qui l'a fait changer d'avis entre ses deux traductions. Pour l'anecdote, M. Revon (1910) a pour sa part choisi l'exotique "podocarpe", mais outre que le mot n'évoque rien pour le commun des mortels, il semblerait que cela ne soit pas géographiquement justifié. Quoi qu'il en soit, traduire les noms de plantes ou d'animaux (comme ウグイス) est un exercice délicat, bien que facilité aujourd'hui par des moyens de recherche et un partage des connaissances qui n'existaient pas au début du siècle dernier.

Autre interrogation sur 真木の葉に. Faut-il comprendre que les gouttes d'eau sur les feuilles n'ont pas encore séché et que, par ailleurs, le brouillard se lève, ou que c'est des feuilles encore humides que monte cette brume d'automne ? D'une traduction à l'autre, R. Sieffert est passé de la première à la seconde hypothèse, que je trouve pour ma part plus élégante.

De l'ondée les gouttes
n'ont pas encore séché que
des aiguilles du cèdre
déjà s'élève la brume
au crépuscule d'automne.

Index en romaji : murasame no tusyu mo mada hinu maki no ha ni kiri tachinoboru aki no yuugure

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