jeudi 20 juillet 2017

Hyakunin isshu, poème n° 77 : 瀬をはやみ



Voici un charmant poème d'amour de l'empereur retiré Sutoku (崇徳院), exilé pour avoir perdu le conflit qui l'opposait à l'empereur Go-Shirakawa (troubles de Hôgen, 1156). Ce sombre destin politique ne l'empêche pas d'être bien représenté dans les diverses anthologies poétiques impériales. Et ce poème se distingue des compositions du même genre par une tonalité plutôt optimistes.


瀬をはやみ
岩にせかるる
滝川の
われても末に
逢はむとぞ思ふ

せをはやみ いはにせかるる たきがはの われてもすえに あはむとぞおもふ

瀬をはやみ : 瀬, torrent, eau peu profonde, rapides ; la construction を + adj + み, que nous avons déjà vue dans le poème n°1, sert à exprimer la cause (=ので) ; l'adjectif est ici はやし (はやい en japonais moderne)、 rapide. Parce que les eaux du torrent sont rapides...
岩にせかるる : 岩, le roc, le rocher, qu'on imagine au beau milieu du torrent ; るる est la rentai-kei de l'auxiliaire る, qui a ici une valeur passive et qui se rattache à せか, mizen-kei de せく, stopper, arrêter (le courant). に indique que l'agent de cette action est 岩 ;
滝川の : 滝 la cascade, 川 la rivière. La combinaison des deux donne à nouveau "rapides" ; の a ici la valeur de のように, les trois premiers vers relevant de la métaphore et formant une introduction qui conduit à われても ;
われても末に : われ est la renyou-kei de わる (われる en langue moderne) avec ici le sens de diviser, séparer (les amants sont séparés par un obstacle, comme les flots se divisent en se heurtant au roc) ; ても a le sens de "même si" ; 末に, à la fin, au bout du compte ;
逢はむとぞ思ふ : 逢は est la mizen-kei de 逢う, se rencontrer, se voir ; む marque ici la volonté, l'intentionnalité ;  と introduit 思ふ (思う、penser, croire, avoir l'intention de), précédé de la particule emphatique ぞ.

Parce qu'ils sont rapides et impétueux, les flots du torrent finissent par se rejoindre, même si un rocher les séparent un instant. De même, parce que mon amour est puissant, même si un obstacle nous sépare, au bout du compte, je te retrouverai... Toute la question est de savoir si l'on rend la métaphore explicite, en introduisant un "je" (sujet de 思う et de む) et une référence aux amants en fin de parcours (option de Joshua Mostow), ou si l'on reste dans la métaphore pure en gommant le "je" et toute allusion directe à l'amour (option de René Sieffert). La seconde option, quoiqu'un peu moins explicite, me semble plus élégante.


Impétueuses et rapides
même si quelque roc
vient les séparer
les eaux du torrent
ne manqueront pas de se retrouver

Index en romaji : se wo hayami iha ni sekaruru taki gaha no warete mo sue ni ahamu to zo omofu

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