mardi 7 février 2017

雨 et quelques composés (2/2)

Je continue aujourd'hui mon exploration des composés de (pluie) décrivant des phénomènes climatiques. Tous sont très utilisés en poésie comme mots de saison 季語.

Nous allons commencer par (ロ、ロウ、つゆ). signifie principalement "rosée" mais peut aussi avoir le sens de "se révéler" ou de "faible quantité". Le 音符 (partie indiquant la prononciation) est composé de (pied) et de qui signifie aujourd'hui "chaque, chacun", mais dont le sens d'origine est sensiblement différent. est composé de (des jambes qui descendent) et de , bouche, qui évoque ici l'instrument d'une prière faite aux dieux. Avec on a donc l'idée d'un dieu que l'on prie de se manifester. En y ajoutant pour faire , on a donc l'image du chemin foulé par un dieu qui descend sur terre. En tant que kanji, signifie donc chemin. En tant que composé, il évoque plus largement ce qui a un lien avec le ciel, ou descend du ciel. Si l'on revient maintenant à on a donc une image de gouttes d'eau () déposées par le ciel, comme un cadeau divin, sans intervention de la pluie.

Intéressons-nous maintenant à la version hivernale de la rosée, le givre, (ソウ、しも), qui évoque aussi un blanc pur. Cette fois, le 音符 est , composé de (arbre) et (oeil). , c'est regarder un arbre , avec l'idée d'être face à lui, conscient de son altérité. D'où l'idée de réciprocité, d'altérité que contient et que l'on retrouve dans de très nombreux kanjis. On aurait donc ici l'idée que le givre est quelque chose d'autre que la pluie , quelque chose qui semble naître directement sur la terre.

Nous allons maintenant nous enfoncer dans la brume avec et . (ム、きり) signifie brume, brouillard. Le 音符 est 、lui-même composé de (lance), (issu de 攴, qui signifie frapper) et de (force) : il s'agit ici de s'employer à frapper fort avec sa lance (pour en savoir plus sur 務, c'est par ici). Difficile de voir le rapport avec notre brouillard... et pour cause, il n'y en a pas vraiment. Du moins pas directement. Il s'agit en fait d'un emprunt phonétique. , qui peut se prononcer ボウ/厶  a été emprunté pour évoquer le sens de kanjis comme et , à la prononciation proche (ボウ・モウ), et qui ont (entre autres) le sens de "recouvrir". "Recouvrir" + , on arrive en effet à l'idée de brouillard, avec l'idée d'un espace recouvert de fines gouttelettes en suspension dans l'air. Voilà donc une étymologie extrêmement embrouillée. C'est toute la magie du japonais et de ce jeu permanent sur les sons, source d’ambiguïté, de glissements de sens mais aussi de richesse et de stimulation intellectuelle, tant pour les cerveaux japonais contemporains que pour les malheureux apprenants étrangers. Pour la mémorisation, mieux vaut se construire une image plus commode, comme celle d'un fou qui s'emploierait à dissiper les gouttes du brouillard à grands coups de lance (si cela vous parle)...

Je termine par (カ、かすみ), qui n'est pas un kanji d'usage courant et dont je vous épargnerai l'étymologie. Je vous le signale en tant que pendant poétique de 霧. 霧 est un kigo automnal, est sa version printanière : une brume plus légère, comme celle des nuages rosés qui embrument soleil et montagnes au lever et au coucher.

La recherche étymologique fait souvent penser aux poupées russes. Le résultat est parfois satisfaisant (avec 露), parfois frustrant (avec 霧). Dans tous les cas, la quête permet de mieux apprivoiser les kanjis et leurs métamorphoses. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur les composés de 雨. J'y reviendrai... ou pas ! またね!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci pour ces explications, c'est toujours un plaisir. Encore, encore ...!