lundi 20 juillet 2015

Hyakunin isshu, poème n° 31 : 朝ぼらけ





Voici un poème hivernal de 坂上是則(Sakanoue no Korenori)par ailleurs publié dans le Kokinshû (n°332), où il est précédé d'une note indiquant que le poète l'a composé pendant son voyage au pays de Yamato, en regardant la neige tomber. Korenori a recours à une figure appelée mitate (1), que le Pr. Mostow traduit par "elegant confusion". Celle-ci trouve sa source dans la poésie chinoise et consiste à superposer deux images différentes en jouant sur leur similitude (ici la blancheur de la neige et celle de la lune) et la confusion qui en naît.


朝ぼらけ
有明の月と
見るまでに
吉野の里に
降れる白雪

(あさぼらけ ありあけのつきと みるまでに よしののさとに ふれるしらゆき)



朝ぼらけ : aurore. Désigne le moment où le soleil commence à se lever, jusqu'au matin. Ce terme est employé de préférence pour les matins d'hiver ou d'automne ;
有明の月と : l'expression 有明の月 était déjà présente dans les poèmes 30 et 21 ; Elle désigne une lune (月), apparaissant tardivement dans la nuit et de ce fait toujours présente à l'aurore (有明), lorsque le soleil commence à se lever ;
見るまでに : 見る (rentai-kei) a normalement le sens de voir, mais la présence de la particule と au vers précédent indique qu'il s'agit ici de "estimer que", "penser que", ici "croire que" ; までに a ici le sens de ほど, au point que ;
吉野の里に : に indique le lieu, 吉野 est un nom de lieu et 里 signifie village. Yoshino se situe dans la préfecture de Nara et c'est aujourd'hui un lieu très prisé pour ses cerisiers en fleurs. Néanmoins, cette association de Yoshino aux sakura date du milieu de l'époque Heian. Il n'en est pas question dans les 54 poèmes qui mentionnent ce lieu dans le vénérable Man'yôshû. Yoshino est avant tout un lieu sacré, lié à l'histoire impériale, qui dans un premier temps, semble plutôt associé à l'hiver et à la neige, comme c'est le cas ici.
降れる白雪 : 降れる associe 降れ, izenkei-kei de 降る (tomber) + る、renyou-kei de l'auxiliaire verbal り, qui indique une action continue. C'est donc l'équivalent de 降っている, tomber continuellement (et s'accumuler puisqu'il s'agit de neige) ; 白雪 : 白, blanc, 雪, la neige.

Au petit matin, la lueur de la neige immaculée est telle que le poète prétend l'avoir prise pour la lueur d'une lune tardive. Comme d'habitude, ce qui est facile à comprendre n'est pas évident à traduire :

Au lever du jour
j'ai cru voir la lueur de
la lune de l'aube
si blanche est la neige qui tombe
au village de Yoshino


Sur ce poème, je vous invite à lire l'article de Sumie Terada paru dans Cipango (n°12, 2005), Lire, traduire, écrire : de Bâsho à Ibuse, p.73-76. On y trouve une intéressante transposition du poème en japonais moderne (fournie avec la traduction).

(1) la notion de "mitate" est complexe et s'applique à plusieurs domaines artistiques (peinture, poésie, littérature). Elle est parfois assimilée à une simple métaphore (mitate = "suprising metaphors or comparisons", selon Haruo Shirane, in Early modern japanese litterature, p. 250). Elle est aussi une technique donnant à voir quelque chose comme autre chose (un pierre dressée comme une montagne dans un jardin japonais), ou permettant de faire une allusion détournée.

Index en romaji : asaborake ariake no tsuki to miru made ni yoshino no sato ni fureru shira-yuki

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