dimanche 15 février 2015

Hyakunin isshu n°25 : 名にし負はば



Fujiwara no Sadakata (藤原定方) fut ministre de la droite (udaijin) et résidait dans la 3e avenue de la capitale (sanjô). C'est pourquoi il figure dans le Hyakunin isshû sous le sobriquet de Sanjô no Udaijin (三条右大臣). Ce poème, publié dans le Gosenshû (n° 701), fut, d'après la note qui le précède, envoyé à l'une de ses maîtresses.  


名にし負はば
逢坂山の
さねかずら
人に知られで
来るよしもがな

(なにしおわば おうさかやまの さねかずら ひとにしられで くるよしもがな)

名にし負はば : 名に負う signifie "porter le nom de", avec l'idée que la chose est conforme au nom porté ("le bien nommé...", "le fameux..."). し est une particule emphatique. 負はば est formé de 負は, mizen-kei de 負ふ、et de la particule ば qui sert ici à formuler une hypothèse. "S'ils portent bien leur nom..." (la vigne des amours et le mont des rencontres) ;
逢坂山の : c'est le nom d'une montagne située à la frontière entre les préfectures de Kyoto et de Shiga, également évoquée dans le poème n°10. Il y a un jeu de mots sur 逢 qui évoque la rencontre, ici entre un homme et une femme, 逢坂山 ayant alors le sens de "Mont des rencontres". Une rencontre, c'est justement ce dont rêve notre poète ;
さねかずら : plante japonaise ressemblant à ceci. C'est une liane arbustive qui s'apparente à la vigne, avec de longues tiges rampantes. Là encore, il y a un jeu de mot. さね peut en effet s'écrire さ寝, avec le sens de "coucher ensemble". Ce qui précise donc l'objet de la rencontre, au cas où l'on n'aurait pas compris ;
人に知られで : 人に、par les gens, 知られで est formé de 知ら, mizen-kei de 知る, savoir, de れ, mizen-kei de l'auxiliaire る, qui exprime le passif, et de la conjonction négative で, l'ensemble ayant le sens de  "sans être su des gens" ;
来るよしもがな : à première vue, 来る (rentai-kei) signifie banalement "venir", avec le sens de "venir à toi", puisqu'il était de mise pour les amants d'aller rejoindre leur belle, et non l'inverse. Mais il y a là encore un jeu de mots. En effet くる peut également s'écrire 繰る, ce qui signifie enrouler/dérouler un fil, avec ici le sens t'attirer quelqu'un à soi en tirant sur un fil. L'amant rêve donc de faire venir discrètement à lui la femme qu'il convoite, comme s'il tirait sur une liane de さねかずら ; よし (由), façon, moyen de ; もがな : particule exprimant le désir, le souhait.

S'il n'y a pas de difficulté majeure pour comprendre, c'est, en terme de traduction, le genre de poème qui donne envie de jeter l'éponge. Comment s'en sortir avec tous ces jeux de mots absolument intraduisibles ? Impossible de conserver les noms japonais, qui n'évoquent rien en français. Et la traduction du dernier vers, avec le double sens de 来る/繰る est particulièrement délicate. Voici ma proposition :

S'ils sont bien nommés,
vignes des amours
du mont des rencontres
à l'insu de tous j'aimerais,
t'attirer à moi par une liane.


Index en romaji : na ni shi owaba ausaka yama no sanekazura hito ni shirarede kuru yoshi mogana

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