lundi 7 avril 2014

Hyakunin isshu, poème n° 9 : 花の色は

Estampe de Tsukioka Yoshitoshi représentant Ono no Komachi âgée.
Wikimedia Commons
Voilà un poème que l'on trouve illustré dans l'épisode n° 5 de l'anime Chōyaku Hyakunin isshu: Uta Koi, une série plutôt bien faite qui présente et contextualise un certain nombre de poèmes du Hyakunin isshu. Si la véracité historique des faits rapportés n'est pas garantie, cette libre interprétation des poèmes a le mérite de les mettre à portée de tous, et de laisser entrevoir la vie de l'époque, non sans un soupçon d'humour.

L'auteur de ce waka est Ono no Komachi (小野小町), une célèbre poétesse du IXe siècle, à qui l'on prête une grande beauté et une triste fin. Sa légende est le sujet de plusieurs pièces de nô. Comme Kisen, elle fait partie des "six poètes immortels".

花の色は
移りにけりな
いたづらに
わが身世にふる
ながめせしまに

(はなのいろは うつりにけりな いたずらに わがみよにふる ながめせしまに)



花の色は : désigne les fleurs (de cerisier), の marque le complément de nom, 色 signifie couleur. 花の色, la couleur des fleurs évoque métaphoriquement la beauté d'une femme. は a sa fonction habituelle.
移りにけりな : 移り est la renyou-kei de 移る, qui a ici le sens de passer, s'évanouir, faner. にけりな : に (renyou-kei de l'auxiliaire verbal ぬ) indique l'achèvement, けり (shûshi-kei) signale l'aspect passé de l'action, avec une nuance d'emphase renforcée par な ;
いたづらに : いたづら、 des choses futiles, vaines ; に (renyou-kei de なり) est ici un adjectif verbal qui vient compléter いたづら : vainement, en vain... cela s'applique aussi bien aux deux premiers vers qu'aux deux derniers ;
わが身世にふる : わが身, moi-même, soi-même ; 世 le monde, mais aussi l'époque, les années (世代) ; ふる (rentai-kei) est jeu de mots entre 「経る」, le temps qui passe, voir vieillir et 「降る」, tomber . Si on le rattache à ce qui précède,  世に, cela prend le sens de "les années ont passé / j'ai vieilli en ce monde". Si on le rattache à ce qui vient après, ながめ, cela prend le sens de 「雨が降る」, la pluie tombe ;
ながめせしまに : nouveau jeu de mots entre 長雨 (ながあめ), longue pluie (qui s'accorde avec 降る) et 眺め, qui aurait ici le sens de "contempler pensivement, s'abandonner à des songes, passer son temps en vaines considérations" (s'accordant avec 経る). A noter, 長雨 fait office de kigo (mot de saison) et rattache ce poème au thème du printemps ; せし : せ est la mizen-kei de す (する en langue moderne) et し (rentai-kei de き) indique une action passée ; まに : il faut comprendre 間に, durant.

Il y a deux lectures parallèles de ce poème, également publié dans le Kokinshû (n° 113) : "la couleur des fleurs s'est fané en vain tandis que la pluie tombe" ou "ma beauté s'est fanée vainement dans les songes et les tracas du quotidien."

Je vous propose la traduction suivante, qui ne rend bien sûr qu'une petite partie des multiples sens de chaque vers :

La couleur des fleurs
s'est évanouie
en vain
je suis passée dans ce monde
contemplant les longues pluies.




Index en romaji : ono no komachi, hana no iro ha utsuri ni keri na itazura ni wagami yo ni furu nagame seshi ma ni

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