samedi 26 janvier 2013

Choshu et Satsuma

Je poursuis aujourd'hui l'histoire du Bakumatsu (幕末). J'ai brièvement évoqué le rôle clé qu'avaient joué les clans Satsuma et Choshu dans le renversement du shogunat. Je reviens aujourd'hui plus en détail sur ces deux clans, qui ont concentré une grande partie des opposants au bakufu et les plus glorieux des ishin shishi.

Le clan Choshu - 長州藩 (ちょうしゅうはん)


L'histoire de ce clan remonte au 16e siècle. Affaibli par une économie mal en point et accablé de dettes au début du 19e siècle, le fief de Choshu est repris en main par un dénommé Murata Seifu. Les réformes opérées par ce dernier rendent le clan suffisamment puissant pour tenir tête au shogun.

A la tête du mouvement sonno-joi, avec des hommes comme Yoshida Shoin, le clan se heurte à plusieurs reprises aux partisans du shogun. En juillet 1864, des membres du clan se réunissent à l'auberge Ikedaya (池田屋) pour fomenter un coup. Ils sont démasqués par le Shinsengumi, qui tue sept d'entre eux et en arrêtent vingt-trois. Rassemblant des troupes qui résidaient à Osaka, les partisans de Choshu lancent ensuite une attaque contre le palais impérial pour s'assurer du contrôle de l'empereur (incident de Kinmon no hen - 禁門の変, ou de la porte Hamaguri). Les clans Satsuma et Aizu, alors partisans de l'union de la cour impériale et du Shogunat (公武合体 - Kobu gattai), repoussent l'assaut avec l'aide du Shinsengumi, mais 30 000 habitations sont ravagées par les flammes. Une première expédition punitive, menée entre autre par le clan Satsuma, est alors décidée contre le clan Choshu.

Entre temps, la position du clan face aux Occidentaux évolue. En effet, suite à l'appel de l'empereur Komei à chasser les barbares en 1863, Choshu avait entrepris de tirer sur les navires étrangers passant par le détroit de Shimonoseki. Indignés, la France, l'Angleterre, les Etats-Unis et les Pays-Bas engagent des représailles. En juillet 1864, les forces françaises et américaines neutralisent les forts de Shimonoseki, demandant des dédommagements sans recevoir de réponse. En conséquence, du 5 au 9 septembre 1864, une coalition de 17 navires s'emparent des fortifications de Shimonoseki. Choshu, vaincu, doit négocier et signer un traité engageant des relations commerciales avec les Occidentaux.

Cette défaite fait évoluer les mentalités. Les xénophobes sont anéantis ou se convertissent aussitôt en partisans de l'ouverture, désireux d'accéder aux savoirs occidentaux pour que le Japon puisse ensuite prendre sa place parmi les grandes puissances. Les opposants au bakufu reculent temporairement, les sept responsables de l'attaque contre le palais impérial sont décapités et le clan fait amende honorable devant les troupes envoyées par le shogun pour la première expédition punitive.

Néanmoins, si les partisans du sonno-joi abandonnent l'idée de chasser les barbares, ils ne renoncent pas à réformer radicalement les institutions en supprimant un bakufu incapable de faire face à la situation. Un leader radical comme Takasugi Shinsaku, qui a constitué des corps de volontaires de toutes classes sociales (kiheitai) – que l'on voit à l’œuvre dans Shura no toki -  se défie du gouvernement local et de ses atermoiements vis-à-vis du shogunat. Lors d'une brève guerre civile en 1865, il participe au renversement des derniers partisans du bakufu qui subsistaient dans le fief. C'est alors que se noue l'alliance avec le clan Satsuma.

Le clan Satsuma (薩摩藩)


Le clan Satsuma s'enracine à Kagoshima (sud de Kyûshû) depuis le 12e siècle. C'est un fief puissant, qui abrite beaucoup de goshi (郷士), c'est-à-dire de guerriers vivant dans les villages (et non seulement au château). De ce fait, le fief a connu peu de révoltes, comparé à ses voisins. Il est néanmoins lourdement endetté au début du 19e siècle et engage comme Choshu de nombreuses réformes.

Néanmoins, contrairement à son futur allié, Satsuma est dès le départ partisan de l'ouverture du Japon, et reste très longtemps modéré à l'égard du Bakufu. Ses dirigeants créent des ateliers chargés d'étudier toutes les techniques occidentales, sans se limiter à l'armement. Même s'il tente de les éliminer, le fief n'en comporte pas moins son lot de xénophobes radicaux. L'assassinat d'un ressortissant anglais à Namanugi vaut à Satsuma de sévères représailles (1862). Vaincu, le clan reconnaît la supériorité de son adversaire et décide de s'allier à l'Angleterre, important des navires, des armes et envoyant en formation de jeunes officiers.

Si le clan soutient dans un premier temps la politique de kobu-gattai, aidant à chasser les extrémistes de Kyoto et participant à la première expédition punitive contre Choshu, il finit lui aussi par évoluer, à travers la personne de Saigo Takamori, à qui le daimyo de Satsuma a confié la politique du fief. Ce dernier ne se lance qu'à contre-coeur dans l'expédition punitive. En effet, comme son ami et compatriote Okubo Toshimichi, il finit par être convaincu de la nécessité de renverser le bakufu pour établir un pouvoir fort, propre à relever les défis de l'avenir. Dans ces conditions, un rapprochement entre Choshu et Satsuma devient possible. Celui-ci s'opère en grande partie par l'intermédiaire de Sakamoto Ryoma, dont je vous parlerai la prochaine fois.

L'alliance Sa-cho (薩長同盟、さっちょうどうめい)


Constatant que les partisans d'un renversement du bakufu sont revenus en force dans le clan Choshu, le shogunat décide d'organiser une seconde expédition punitive contre le fief. Mais cette fois, Satsuma refuse d'y participer et scelle son alliance avec son ennemi d'hier. Choshu bénéficie ainsi de l'armement anglais importé par son nouvel allié. Les deux fiefs réunis disposent d'un arsenal supérieur à celui du shogun, ce qui lui permet de compenser son infériorité numérique initiale. Avec le soutien anglais, les deux clans repoussent les troupes du bakufu et la seconde expédition, au cours de laquelle meurt le shogun Iemochi, est un échec. Sa-Cho n'a alors de cesse d'écraser les partisans du shogunat.

Si les fiefs disparaissent avec la restauration Meiji, les deux clans n'en resteront pas moins des acteurs clés de la politique japonaise (on parle de長州閥 et 薩摩閥, clique de Choshu et clique de Satsuma).

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Voilà, vous en savez un peu plus sur Sa-Cho, qu'on voit à l'oeuvre dans les anime Shura no toki et Hakuouki Shinsengumi kitan. Si les deux clans semblent avoir une postérité romanesque moindre que le Shinsengumi, les personnalités d'Okubo et de Saigo, sur lesquelles je reviendrai aussi, restent de grandes figures de l'histoire du Japon.

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