vendredi 27 juillet 2012

L'homme qui marche de Jirô Taniguchi

Je vous ai parlé il y a quelques temps du Gourmet solitaire pour vous faire part d'un avis mitigé. 歩くひと, L'homme qui marche, m'a paru à bien des égards beaucoup plus intéressant et enthousiasmant. Evidemment, c'est un manga un peu particulier. Pas d'action débordante ici. Un rythme lent, celui de la promenade, de la flânerie. Pas de héros très marquant. Un homme dans la quarantaine, sa femme et leur chien. On ne connaît ni leur nom (sauf pour le chien), ni leur profession (mais ils ont l'air d'avoir du temps libre, les veinards). Ils ne semblent pas avoir d'enfants (d'où le calme serein qui les entoure :-)) et il y a entre eux cette douce harmonie qu'on trouve chez les couples heureux, qui se connaissent bien et qui n'ont guère besoin de mots pour partager l'essentiel.

Des mots, il y en a effectivement très peu dans ce manga, ce qui le rend d'ailleurs assez facile à lire pour un débutant. Comme le souligne la postface (dans l'édition japonaise), c'est un manga taiseux (寡黙、かもく en japonais). L'éloquence est laissée au paysage et au dessin minutieux de Taniguchi, un dessin centré sur l'observation (des oiseaux, des êtres, des étoiles...) mais aussi sur la sensation (le contact d'un arbre, de la pluie, la fraîcheur de l'eau...). Contrairement au Gourmet solitaire, qui va de restaurant en restaurant sans nouer de contact avec qui que ce soit, notre promeneur est ouvert à l'autre et aux rencontres. De ce fait, si taiseux soit-il, le manga donne une impression de sérénité chaleureuse, très agréable pour le lecteur.

S'il faut chercher un point commun entre ces deux personnages de Taniguchi, il serait plutôt dans leur rapport au temps. Tous deux ont du temps et savent en jouir. C'est-à-dire qu'ils savent le perdre, en ne l'employant à aucune action directement rentable et utile. Pour autant, et c'est particulièrement vrai pour l'homme qui marche, ils ne le perdent pas bêtement en s'abrutissant devant la télé, ou en se fourvoyant dans un consumérisme sans frein, aussi coûteux que destructeur pour l'environnement. Notre promeneur rend de menus services à ceux qu'il croise, exerce son corps, répare ce que d'autres ont jeté, s'intéresse à tout ce qu'il trouve sur son chemin. Tout est prétexte à aller faire un tour, tout est bon pour flâner, s'égarer, grimper sur un arbre, un muret, observer, accueillir. C'est un contemplatif actif. Dans cette ville qu'on suppose pas très grande, il cherche la nature, jamais très loin, profite des petites choses qui abondent et ne coûtent rien. L'insignifiant prend sens sous le regard bienveillant de cet homme qui aime les êtres et les choses.

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L'homme qui marche est un manga qui se lit à petite gorgée, pour s'apaiser et aussi pour apprendre à porter un regard neuf sur ce qui nous entoure. Rien à voir avec un trépidant shônen, mais il faut savoir varier les plaisirs.

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